« Jean Fournier aimait trop la peinture pour la traiter comme seul objet de commerce et, s'il en vendait, c'était pour faire partager ses passions. Nul n'entrait dans sa galerie sans se rendre bien vite compte qu'il y régnait un climat de respect pour les peintres, une attention toute particulière.
Acheter une oeuvre, pour autant était une aventure. Il fallait assurer le marchand de la certitude de votre choix, autant que l'inverse.
Déployant quelques toîles avec ses collaborateurs, l'espace de la galerie était envahi et le visiteur était environné de peintures au point, embarassé de ne plus savoir quoi choisir. A défaut, il pourrait toujours acquérir un livre ou un rare catalogue d'exposition car, il ne faut surtout pas l'oublier, la galerie de Jean Fournier fut longtemps une des toutes premières librairie d'art de Paris, et ce dès la librairie-galerie de l'avenue Kléber dans les années 1950.
La galerie a vu se succéder plusieurs générations de peintres qui, sans être les disciples les uns des autres, ni former un collectif, constituent une famille esthétique qu'il revient à jean Fournier d'avoir su identifier. Il était trop soucieux de l'individualité de chaque artiste pour les associer en un groupe. Tous peintres, tous abstraits, ils mettaient chacun à leur manière en question les fondamentaux de la peinture, redéfinissant la gestualité, récusant les supports classiques du tableau, répétant le motif, épanchant les couleurs.

Jean Fournier est aussi, et c'est suffisamment rare pour être souligné, l'homme de plusieurs générations d'artistes. Avenue Kléber (1954-1962) exposent Joseph SIMA, Simon HANTAÏ, Jean DEGOTTEX, Marcelle LOUBCHANSKY, Judit REIGL, Jean-Paul RIOPELLE. Rue du Bac ensuite (1963-1979), les mêmes mais aussi James BISHOP, Sam FRANCIS, Shirley JAFFE, Joan MITCHELL, ainsi que Claude VIALLAT puis Pierre BURAGLIO. Rue Quincampoix (1979-1998), à proximité du Centre Pompidou, qu'il fut le tout premier à défendre, ces mêmes peintres se succèdent dans les nouveaux grands espaces de la galerie, mais elle ouvre également ses portes à une troisième génération d'artistes : Stéphane BORDARIER, Didier DEMOZAY, Serge FAUCHIER, Dominique GAUTHIER, Frédérique LUCIEN, Bernard PIFFARETTI, Antonio SEMERARO, d'autres encore. Enfin, de retour rue du Bac à partir de 1999, Jean Fournier n'a de cesse qu'il ne révèle de très jeunes peintres : Julien GARDAIR, Guillaume LEBELLE, Nathalie LEROY-FIÉVÉE, Pascal RAVEL, tout en restant beine sûr attaché à montrer toujours et encore ceux qu'il a aimés depuis les années 1950. »
(Alfred Pacquement extrait de La couleur toujours recommençée Ed. Acte Sud / Musée Fabre, 2007)

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